Du feuilleton de l'insurrection ukrainienne, qui revient à la Une, nous croyons tout savoir :manifestants déterminés (et pro-européens) contre police du gouvernement pro-russe, trois morts (deux vraisemblablement victimes de snipers, le troisième tombé d'un toît), des centaines de blessés : bons et méchants sont soigneusement cadrés par la presse occidentale, duMondeau Petit journal, en passant parLibé, qui y consacre sa Une "morts pour l'Europe". Jusque là, rien d'étonnant. On entame la lecture dureportage du correspondant sur place, Sebastien Gobert. Et soudain, ces quelques lignes :"Alors que les deux premiers mois du mouvement avaient été marqués par une résistance non-violente, nombreux sont ceux qui, même sans y participer, soutiennent maintenant les combattants de la rue Hrushevskoho, toute proche. «Pour moi, les gars qui se battent là-bas, contre les policiers, sont des héros», affirme un manifestant. Les «gars» en question appartiennent pour la plupart à un groupe de jeunes militants d’extrême droite, Pravyi Sektor (Secteur droit), né de la mobilisation de l’EuroMaïdan et déterminé à assurer la sécurité du «village», voire à recourir à la force pour atteindre leurs objectifs. Réunissant ukrainophones ou russophones de tous âges, ce mouvement se revendique nationaliste et apolitique. «On ne peut pas faire confiance aux politiciens pour régler cette crise», indique, Iouriy, 34 ans, mobilisé depuis le début sur l’EuroMaïdan, qui s’estime comme une «fraîche recrue» de Pravyi Sektor".
Tout juste remarque-t-on qu'un ultra-nationaliste, Oleh Tiahnibok,est désormais cité aussiparmi les représentants de l'opposition.
Ne pas faire dire au matinaute ce qu'il se garde bien de dire. L'appartenance à l'extrême-droite ne retire rien au courage des manifestants de Kiev. Rien n'indique évidemment que les insurgés de Kiev appartiennent tous à Pravyi Sektor (et il est même vraisemblable que ces derniers ne représentent que cette "minorité agissante" à l'avant-garde de toutes les insurrections, et de toutes les révolutions). Quant à cette minorité elle-même, elle est peut-être à la fois d'extrême-droite ET pro-européenne (quoiqued'extrême-droite, ouparce qued'extrême-droite, à vérifier, c'est dire si le champ des hypothèses est large, dans ce paysage politico-mental méconnu). Mais patience : il est à prévoir que Sebastien Gobert va se faire tirer les oreilles par ses collègues français à Kiev, lesquels se seront fait tirer les oreilles par leur rédaction parisienne : "eh coco, tes manifestants sont des fachos, et tu ne nous as rien dit ?" Il n'est rien qu'un journal redoute tant, que de ne pas dire la même chose que la concurrence. Homogénéïsation à prévoir.